Zoey C. Dawson ~ Once upon a time, waves opened...

La légende dit que, il y a de cela mille ans, Neptune, dieu des Mers, descendit dans le monde des mortels, attiré par les charmes d'une jeune humaine. Mais alors qu'ils vivaient un amour sincère avec une passion sans limite, la jeune fille tomba enceinte du dieu. Dans le village où elle avait passé sa vie et qu'elle ne pouvait quitter, les enfants illégitimes étaient tués à l'instar de leur mère. Pour épargner ce châtiment à son aimée, Neptune enferma l'essence de l'embryon dans un cristal de la taille d'un galet, qu'il offrit en cadeau d'adieu à sa belle, avant de partir définitivement.

A notre époque, les dieux romains se sont endormis et ont disparus avec leurs civilisations. Mais le cristal n'a pas quitté l'Italie, et, exposé dans un musée, voit passer nombre d'étrangers et de langues, de coutumes, d'histoires, derrière une vitrine de verre. Apprécié de la population, il est surnommé le "Cristal d'Eau", et son histoire est à chaque fois racontée aux innombrables visiteurs. Ceux qui s'approchent d'assez près parviennent à distinguer les faibles ondes semblant vibrer en son centre, comme les battements d'un coeur. "Encore une belle invention locale ! ", disait-on. "Jolie légende urbaine ! "
Puis un jour, ou plutôt une nuit, le musée fut cambriolé par une bande de trois voleurs amateurs. Ils avaient alors dans l'idée de s'emparer des objets ayant le plus de valeur possible, afin de les revendre, sans doute. Sous les yeux vides des statues antiques, les regards langoureux des représentations idéalistes de l'être humain, portés par les résonnements de leurs pas légers, le silence feutré pesant sur les vieilleries, les ombres sinistres des oeuvres d'atan, ils n'avaient encore rien saisi. Mais le silence fut déchiré par les alarmes, stridentes, prenant à la gorge et tordant les entrailles ; personne ne s'y était attendu. Des capteurs de mouvements ? De chaleur ? N'avaient-ils pas neutralisé chaque système de sécurité de ce fichu bâtiment ?
Il fallait partir, et vite. Cependant, hors de question de repartir les mains vides. Il y eut une vitrine brisée, des éclats de verre se répandant au sol, et des doigts fin s'emparèrent du légendaire Cristal, dont l'obscurité ne pouvait pas même tarir les reflets bleutés. Ils coururent, longtemps, à s'en embraser les poumons. Ils atteignirent la voiture que le quatrième de leur bande n'avait pas quittée, mais les sirènes des voitures de police ne tardèrent pas à faire écho à celles, incessantes, du musée d'antiquités. Mais malgré les jointures blanchies par leurs poings serrés par la peur de se faire attraper, enfermer derrière des barreaux, juger... Leur but, leur échappatoire, leur plan B s'étendit : la mer. Le quai, avec un ponton de bois, et un seul bateau - à moteur, assez large pour quatre personnes, et rapide pour prendre une bonne avance sur les forces de l'ordre. Ils avaient enchaînées leurs dernières foulées sur les planches humides avec la frénésie engendrée par l'espoir.
Une algue ayant rendu le sol glissant ? L'empressement ? Une latte sur laquelle le pied aurait buté ? La raison de la chute du jeune homme tenant entre ses mains le Cristal d'Eau reste mystérieuse. Toujours est-il que, dans sa chute, il lâcha le joyaux, qui s'en alla rouler vers les eaux. Il sembla perdre de la vitesse avant de parvenir au bord, mais, comme aimanté par les vagues, fut précipité vers la mer et explosa en un million d'éclat contre un rocher émergeant, avant de se liquéfier et de disparaître dans les tréfonds.
A plusieurs reprises, le corps d'un femme sembla prendre forme parmis les populations maritimes. De longs cheveux blonds ondulaient, par instants, dans le courant sombre avant de disparaître. Plusieurs jours s'écoulèrent. Les fragment désormais aqueux de la Pierre atteignirent la baie de Long Island, aux Etats-Unis, portés par les vagues. Ce fut sur une plage déserte que je matérialisai mon corps pour la première fois.
Il n'y avait que le sable blanc et les vagues qui me poussaient avec douceur. Je ne fus, quelques secondes, que la statue transparente et déformée d'une jeune fille, comme un bloc de glace aux angles arrondis par la fonte. Puis, peu à peu, ma chair prit la couleur pâle qui lui était propre, mes ongles ressortirent sur le bout de mes doigts, mes cheveux se séparèrent de mon dos, mes paupières s'ouvrirent sur la lumière d'une aube, bien trop éblouissante pour mes yeux n'ayant jamais vu que les couloir éclairé artificiellement par les lampes du musée ou j'avais passé des siècles, ou les abysses me séparant de plusieurs centaines de mètres du soleil.
Tout fut flou, et ce fut aussi le cas de cette ombre qui se pencha vers moi ; une silhouette, assez menue. Un enfant, sans doute.
L'instant d'après, j'étais enveloppée dans une veste et installée à l'arrière d'une voiture. Je me souviens avoir été tétanisée par le paysage défilant à une vitesse incroyable, et par le bâtiment qui s'était au bout de quelques minutes élevé devant moi - devant nous.
Une famille - deux parents, deux enfants - avaient eu assez de compassion pour me recueillir sous leur toit. Ils me disaient atteinte d'une amnésie presque totale, dans la mesure où quantité d'objets m'étaient étrangers. Par chance, les langues qui avaient parcourus le musée où j'avais, d'une façon ou d'une autre, passé des siècles me revinrent peu à peu, de sorte à ce qu'après quelques semaines passées en compagnie d'autres représentants de la race humaine, m'exprimer était devenu aussi simple que pour n'importe qui.
Je ne tardai pas trop à être en mesure de rejoindre les villes. Et, maintenant que quelques années de plus avaient passé, j'ai enfin découvert mes différences avec les autres humains ; mes capacités à transformer mon corps en eau, entre autre. Il m'était devenu évident que certaines personnes avaient cependant d'autres capacités, dont ils pouvaient se servir pour de bonnes causes. Ou pas.