Lisbeth Lou Guerras ♠ L'Illusioniste

Pour bien que vous compreniez mon histoire, je dois remonter bien des années avant ma naissance. À l'époque où mes parents étaient encore, jeunes, beaux, créatifs et brillants. Tous deux sont issus de bonnes familles de l'Upper East Side new-yorkais, il n'est donc pas surprenant qu'ils se soient connus lors d'un énième vernissage auquel leurs parents les avaient trainé de force. À leur manière, ils étaient des marginaux, lui refusait la carrière d'avocat tracée pour lui par son père préférant rêver de bohème et de vie d'artiste. Elle abhorrait sa future vie de femme au foyer dont la seule ambition devait être de combler son époux, elle rêvait de strass, de paillettes. Son vrai rêve était de vivre dans une fête permanente, d'être au cœur d'un brouhaha incessant ou artistes et tenues de soirées défileraient devant ses yeux. Cette marginalité les a donc rapproché lors de ce vernissage ennuyeux, et ils sont tombés fous amoureux l'un de l'autre en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Cette union sans être mal vue n'était pas véritablement approuvée par les familles des tourtereaux qui auraient aimé les voir prendre le chemin de la raison et du respect des conventions sociales. Mais eux s'en fichait, il avait vingt ans et elle dix-neuf, ils étaient les rois du monde et rien ne semblait pouvoir les atteindre. Leur mariage survint très vite après leur rencontre, un an ne s'était même pas écoulé, comme le veux la tradition cette fête fut une débauche de champagne et de petits fours raffinés. Il faut bien cela pour satisfaire la bonne société new-yorkaise. Mais pour eux ce qui était véritablement important était de construire une famille. Jeunes et fougueux, ils n'attendirent pas longtemps avant de donner naissance à un fils, Balthazar. Leur bonheur était complet, leur passion torride, leur vie semblait sortie d'un océan de bonheur.

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, ils leurs fallait bien accumuler le succès professionnel au succès personnel. Ainsi il devint un peintre connu et reconnu dont on s'arrachait les toiles à prix d'or et elle de son côté réalisa ses rêve en devenant la propriétaire de la boite de nuit la plus en vogue de la ville. Ses clubs étaient toujours pleins, les plus grand VIP étaient présents à ses soirées et certains auraient vendu père et mère pour mettre un pied dans ses temples de la fête. Mais tout ce succès n'entamaient en rien leur bonheur familial, ils étaient des parents attentionnés et près à tous les sacrifices pour leur fils. Ils parvenaient même à mettre de côté leurs tempéraments de feu et leurs engueulades pour préserver l'innocence et la pureté de leur fils.

Mais après vingt ans de bonheur les dieux se rendirent compte qu'ils avaient beaucoup trop gâté ce couple et un coup de tonnerre vint s’abattre sur eux mettant fin à leur sérénité. Leur fils Balthazar passionné de voiture mourut dans un tragique accident alors qu'il profitait de l'un de ses bolides sur un circuit privé. Le couperet tomba et brisa définitivement quelque chose au sein du couple. Prise d'une soudaine impulsion incontrôlable, celle qui devait quelques années plus tard devenir ma mère, devint obsédée... Coute que coute il lui fallait donner la vie une seconde fois. Elle qui n'avait jamais exprimé le désir d'avoir un second enfant fut prête à endurer toutes les souffrances et à surmonter tous les obstacles pour avoir un nouvel enfant. Et à quarante-et-un ans passés, le chemin fut long et difficile. Il lui fallut attendre cinq longues années avant de m'entendre pousser mon premier cri mais finalement, le premier novembre mille neuf cent quatre-vingt six, je vis le jour.

Je devais être leur petit miracle, ce bébé tellement attendu, cette bénédiction du ciel après la mort de leur enfant chéri mais je ne suffisait pas à combler le vide laissé par Balthazar. Ma mère sombra dans une profonde dépression, accentuée par le déclin de sa carrière, drogues, alcools, sexe et autres abus en tout genre était devenu son lot quotidien, et moi la petite princesse de la maison je la regardais rentrer ivre dans des tenues vulgaires, les cheveux défaits et le maquillage dégoulinant sur son visage fatigué. Elle ne c'est jamais occupé de moi, préférant engloutir des somnifères plutôt que de me raconter une histoire. Mon père semblait plus attentionné, j'étais sa princesse, son joyaux et il tentait de combler le vide laisser par ma mère en me couvrant de cadeau, ses intention était bonnes, mais même les plus beaux cadeaux du monde ne comblent pas l'absence d'une mère et d'un père. Car son travail lui demandait énormément de temps et d'effort.

Mais je n'étais pas malheureuse, personne ne me disait jamais non, et je pouvais faire ce que bon me chantais quand bon me chantais. Je ne connaissais pas la signification du mot non. Même les nombreuses disputes entre mes parents ne m'atteignaient pas. Car après chacune d'elle un nouveau cadeau m'était offert. Je sentais qu'ils se haïssaient mais cela me paraissais normal, comment continuer de vivre avec l'épave qu'était devenue ma mère ? La seule tragédie qui m'a véritablement marquée est la mort de mon père au cours de mon adolescence, j'avais quatorze ans quand las et fatigué il c'est éteint. Comme s'il s'était usé trop vite à tenter de reconstruire un paradis perdu à tout jamais.

Ma vie était subitement devenue un cauchemar. Ma mère me détestait encore plus qu'à l'habitude et rien ne changerait plus entre nous, mais je n'attendais plus rien d'elle. Par contre le véritable cauchemar était ma tante Margaret qui s'était mise en tête de me sauver et de me donner une éducation capable de rattraper le carnage qu'avait été mon enfance. Malheureusement pour elle la mort de mon père m'avait révélé à moi même, elle m'avait révélé mon pouvoir ! Par le plus grand des miracle je possède un pouvoir miraculeux, celui de créer des illusions. Et il faut bien avouer que ce pouvoir me fut bien utile pour entourlouper ma tante. Mon pouvoir m'a permis d'échapper à ses punitions et de vivre ma vie telle que je l'entendais. Elle pensait que j'étais sagement dans ma chambre à faire mes devoir alors que tranquillement je découvrais la joie des soirées new-yorkaise et de leurs excès.

Très vite le subterfuge n'a plus suffit et ma tante à compris mon manège alors je suis retournée vivre avec ma mère, finalement je préférais cela au moins j'étais plus libre. Mais sans que je me l'explique, une haine envers ma mère est née en moi et encore une fois mon don m'a été très utile... Je l'ai rendue folle, en faisant revenir Balthazar d'entre les morts. Elle pouvait le câliner et l'adorer, mais encore et encore je lui faisais revivre sa perte. J'étais tellement en colère... Et petit à petit je l'ai mise à ma merci, elle m'accordais tout ce que je désirais, fêtes, alcools sexe... Tous les excès qui étaient les siens étaient devenus les miens. Et je me plaisais dans ce monde... Belle, sure de moi, confiante rien ne m'était refusé, mais cette haine grondait en moi et ma mère ne me suffisait plus. La moindre personne qui s'opposait à moi devait subir ma colère. Quelque chose se brisait en moi, quelque chose que je tentais de combler en faisant plus de soirée, en rencontrant plus de monde, en trainant dans des histoire toujours plus glauques.

Changeante, mouvante, je me glisse maintenant dans la peau de personnage que j'invente, je suis celle que les hommes désirent, celle que les femmes détestent, celle que tout le monde veut être, celle que tout le monde fuit. Je suis ce que je veux et pourtant je ne sais plus qui je suis. Mais qu'importe mes facettes sont multiples et toutes me conviennent. Même si je m'y perds un peu le jeu m'attire. Je suis maintenant une jeune femme qui vit de ses rentes, ma mère continue de vivre dans ses rêves que je transforment en cauchemars et moi je vis à part dans mon grand appartement désespérément seule, toujours à la recherche d'une nouvelle proie. Je suis une croqueuse d'homme et je compte bien le rester...